mardi 21 décembre 2010

"L'homme est-il destiné à marcher sur deux jambes ou à se déplacer à quatre pattes?" - Emmanuel Kant

Par un mercredi ensoleillé d'automne, j'arpentais tranquillement la rue du Faubourg du Temple en direction de Belleville, tout en observant les vitrines des boutiques de prêt-à-porter et en songeant à mon éventuel avenir professionnel.  J'étais vêtue de cette minijupe écossaise et d'un pull à col roulé noir, ce qui me donnait une allure d'écolière sage mais autonome.  C'est lorsque je me retrouvai au croisement de la rue du Faubourg du Temple et du boulevard de la Villette que je levai les yeux vers le ciel pour contempler ce dernier.  A mon plus grand étonnement, ma vue était envahie par une toute autre création de la nature : un condor.

Oui.  Un condor.  Je me figeai sur son vol plané quelques instants, comme hypnotisée par son élégance imposante, avant de réaliser que je me trouvais dans une situation tout à fait singulière.  Je sortis alors mon appareil photo numérique de mon sac à main pour pouvoir immortaliser cet instant et en poster la preuve sur tous les sites communautaires auxquels je suis inscrite, mais au même moment le volatile géant posa son regard sur moi et avant que je ne réalise quoi que ce soit, il se tenait debout à une trentaine de centimètres de moi.

"Ça te dirait de faire un tour sur mon dos?" - retentit la voix grave et noble du cousin de l'aigle.
Je dois avouer que ce fait m'a particulièrement pétrifiée, d'autant plus que je n'avais jamais entendu un condor parler et encore moins proposer à une inconnue de faire un tour sur son dos.  Cependant ma curiosité vainquit ma peur et je répondis avec assurance : "Oui."
Je me retrouvai donc sur le dos de cette créature sauvage, survolant la Capitale à quelques dizaines de mètres de hauteur.  Le vent heurtait mon visage, le soleil se reflétait dans le plumage brun, et un panorama des plus exquis s'ouvrait à moi.  La singularité de la situation et mon émotivité héréditaire firent couler une larme le long de ma joue droite, et je pus la sentir refroidir instantanément.

Nous survolâmes Belleville, Pyrénées, Buttes Chaumont avec ses monts et son lac artificiels, Jaurès, Stalingrad, puis nous longeâmes les quais de la Seine jusqu'à arriver au parc de la Villette qui était parsemé d'humains qui de là où j'étais ressemblaient plutôt à des Polly Pocket que je m'empressai de faire bénéficier de nombreux échantillons de ma salive.  Je me sentais comme un Nils Holgersson des temps modernes, et l'esprit de l'aventure se réveillait peu à peu en moi.  En survolant la Géode, le condor me demanda si je m'amusais, et après une réponse confirmative il mit le cap sur l'Ouest.

Quelques heures plus tard et après avoir parcouru Paris et une partie de la banlieue (n'oubliant pas le bois de Vincennes ni le casino d'Enghien), nous approchâmes la place de la République.  Les séparations étaient inévitables : une dissertation sur la Justice dans l'Antiquité gréco-romaine m'attendait, un long périple vers les Alpes attendait le condor.  Après lui avoir ardemment serré l'aile et avoir noté mon adresse mail sur sa patte droite, je laissai s'envoler cet être généreux qui avait illuminé ma banale journée d'humaine.

Et le lendemain j'ai eu une pneumonie.




7 commentaires:

  1. Jte lâche un coms quoi, parce que ton texte il est trop beau et moi je veux te faire l'amour.

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  2. Selon l'angle de la photo le touriste japonais mesurait 76 mètres

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  3. @ Mveg : Oui, oui...

    @ Albert : Non, il était en hélicoptère.

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  4. Crois-moi ou pas mais j'ai réussi à trouver ça super émouvant. Il faut absolument que je rencontre ce condor. En revanche la photo a quelque chose de très très flippant qui m'a dangereusement rappelé la couverture d'HP3 sur laquelle Harry et ses petits copains se baladent à dos d'Hippogriffe. (Ta version est au moins aussi cool)

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  5. Moi aussi j'étais émue, surtout lorsqu'il m'a fallu faire mes adieux au condor. Et oui la photo est un peu flippante, mais ça retranscrit bien la peur de tomber que j'éprouvais au moment où elle a été prise (il y a eu un coup de vent assez phénoménal).

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S'il vous plait, inventez-vous des pseudos, c'est chiant des lire des commentaires postés par "Anonyme".